04h22 CEST
31/03/2025
Quelque 28 millions d'euros soutirés de 2016 à 2018 auprès d'un millier de victimes, dont des clubs de football: le tribunal de Nancy rend lundi son délibéré à l'encontre des 22 prévenus à l'origine de cette arnaque "exceptionnelle", principalement aux diamants et aux cryptomonnaies.
Le procès s'était étalé sur plus de trois semaines, à l'automne. D'une rare ampleur, il avait nécessité la location, par la justice, de la grande salle de spectacle du Palais des Congrès de Nancy.
Les parties civiles sont en grande majorité des particuliers ayant laissé leurs coordonnées sur des sites internet de vente de diamants ou de cryptomonnaies. Rapidement rappelées par des escrocs opérant depuis Marseille ou Israël, elles ont été arnaquées de sommes allant jusqu'à plusieurs centaines de milliers d'euros.
Des clubs de foot de Ligue 1 ou Ligue 2 avaient aussi été victimes d'escroqueries ou de tentatives d'escroqueries par de faux agents de joueurs qui visaient à en détourner les salaires.
Le procureur Vincent Legaut avait requis dans cette affaire qu'il a qualifiée d'"exceptionnelle" des peines allant jusqu'à huit ans de prison à l'encontre des 22 prévenus, un seul échappant à une demande de prison ferme.
Différents degrés d'implication dans l'organisation ont été retenus: certains prévenus étaient poursuivis pour "association de malfaiteurs", d'autres pour "escroquerie" ou "tentative d'escroquerie". Des poursuites pour le blanchiment du produit de ces escroqueries étaient aussi engagées.
Trois mis en cause, considérés comme des "têtes pensantes" du réseau, étaient absents à l'audience, en fuite et sous le coup d'un mandat d'arrêt.
- Entre France et Israël -
L'enquête avait débuté en 2017 par les plaintes de clubs de foot professionnel (Sochaux, Angers et Toulouse) qui ont tous trois versé aux escrocs entre 10.000 et 35.000 euros, dupés par des appels téléphoniques d'hommes se faisant passer pour agents d'un joueur. Une douzaine d'autres clubs ciblés par des tentatives d'arnaque avaient aussi effectué des signalements.
Le football "a fait office d'alerte", avait rappelé auprès de l'AFP l'avocat de la Ligue de football professionnel (LFP), Benjamin Peyrelevade.
Parmi les prévenus figurent aussi des petites mains, qui ont servi de prête-nom pour ouvrir des comptes en banque ou des sociétés factices permettant de faire transiter le produit des escroqueries.
Plus de 200 comptes bancaires ont ainsi été mis au jour par les enquêteurs, ouverts dans 19 pays. Des dizaines d'adresses mail de faux commerciaux avaient aussi été créées, "ce qui en dit long sur la force de vente des escrocs depuis Israël", avait pointé le représentant du ministère public.
M. Legaut avait regretté, lors de ses réquisitions, "l'absence totale d'empathie" ou de "prise de conscience des conséquences" des actions des prévenus, qui ont porté atteinte à "l'intégrité patrimoniale des victimes" mais aussi à leur "intégrité morale".
- Enjeux -
Pour les centaines de personnes constituées parties civiles, outre la condamnation des prévenus, "deux enjeux se dessinent" lundi matin, note la fédération France Victimes, qui a accompagné ces dernières tout au long de la procédure: la capacité des mis en cause "à indemniser les victimes" et "l'éligibilité de celles-ci aux fonds de garantie".
Au-delà de ce dossier extraordinaire par son nombre de parties civiles, il pourrait "y avoir un avant et un après le procès +Carton Rouge+", selon la fédération: "Les solutions proposées aux victimes feront montre de la capacité à les accompagner face à un phénomène d'ampleur, en croissance constante".
Des victimes ont un préjudice important de quelques milliers, dizaines de milliers, voire, pour certaines, centaines de milliers d'euros.
Celles rencontrées par l'AFP lors du procès, bien que peu nombreuses à s'être déplacées, avaient confié craindre de ne jamais revoir leur argent.
"Je n'y crois pas. Et si un chèque arrive, ce sera une bonne nouvelle", voulait tout de même espérer Marie-Bernadette, retraitée des Bouches-du-Rhône qui a perdu 10.000 euros dans l'arnaque aux diamants.
La justice a saisi durant la procédure 2,8 millions d'euros, soit un dixième seulement du préjudice financier total.